Texte _ Denis Girard, paru dans le numéro 7 de la revue culturelle L'échancrier, Sherbrooke, 1976.

Mes parents habitaient une maison de bois

Ma mère était le poêle, nous nous chauffions en tas

Les odeurs de beans, de ragout, de foie gras, nous tiraient à la table pour les repas.

Bénédicité, c'est bon et c'est chaud.
Bénédicité, dehors y fait beau.
Bénédicité, le toit est en croix
Bénédicité, la vie tu gagneras
Bénédicité, la souffrance : tu seras
Bénédicité que tu fasses ton devoir
et le ciel bleuté sera ta gloire.

Nous sommes de fer et de chair à la fois

La ville est en nous et usine nos pas

La ville nous emmène loin de vous
et les cris de vos peines
égratignent nos genoux.

La coupe et le calice, et le sein de ma mère
L'ostensoir et le bénitier et leurs corps mis à nus
Le lit de ma mère et l'autel sans fin
La vie éternelle et vos mains tendues.

Que fait-il qu'il se passe pour qu'on se rejoigne?

Le même sang répandu pour la vie, pour la vie
Ça rougeoie de partout le fouillis de nos pas
La guitare étouffe le tuyau des orgues
Les chants de détresse, les prières vers Dieu.

Et le cri de détresse qui monte de nos corps
Et tous vos désirs gravés en nous
Mille de vos rêves à vivre avant tout
Où construire la nouvelle maison

si chaude, si douce,
qu'y naissent les frissons
Le bois et la cendre de toutes vos années
habitent nos silences et viennent nous attiser.

De quoi avez-vous donc tant manqué
que notre passé nous force à lutter
Tant de murs à détruire, tant de faussetés
tant de temps à vous rattraper.

Grand-père, donnez-moi la main
Grand-père, que pourrai-je donc cultiver
Notre terre est-elle encore bonne
Qu'on puisse s'y planter et fleurir d'amour
et fleurir en paix.

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